Norma invite Margaux , étudiante à l’école du Louvre spécialité costumes , qui nous raconte l’ histoire de la fripe.
PETITE HISTOIRE DE LA FRIPE…
À l’époque médiévale, le prêt-à-porter n’existe pas à l’exception de quelques pièces vendues dans les boutiques de merciers (coiffes féminines, chapeaux de paille, bonnets pour enfants, boutons, ceintures…). Le vêtement est réalisé exclusivement sur mesure par fabrication domestique (couture, filage, tissage) ou par façon chez un drapier, un tailleur, un pelletier qui travaille les peaux pour le cuir ou les fourrures, un cordonnier, un chapelier, etc… Néanmoins, un marché de seconde main existe déjà à cette époque. Il est d’ailleurs essentiel car à l’origine de la circulation des modes. On parle de marché de la fripe !
Les fripiers tiennent alors boutiques ou sont des marchands ambulants.
Les fourrures d’occasion notamment sont vendues par des pelletiers de vieux ou vieux-vairiers (du nom de la fourrure de vair revêtant la célèbre pantoufle de Cendrillon). Si le terme de fripe vient de l’ancien français frepe, signifiant chiffon ou vieux vêtements, il n’a pas toujours été synonyme de pauvreté. En effet, au XVe siècle, il est de bon ton d’orner les bords de ses manches et de ses chausses de bandes de tissu découpé : les freppes (lat. frappa, lambeau d’étoffe).
On parle aussi de « découpures », de « déchiquetailles » ou de « déchiquetures » qui étaient très en vogue à la cour de Bourgogne. Seuls les membres de la plus haute aristocratie pouvaient se permettre l’extravagance de taillader leurs vêtements.
Au XIXe siècle, Paris devient la plaque tournante du commerce fripier. De nombreux vêtements arrivent en transit à Paris et sont redistribués en Europe. La fripe participe alors à la diffusion de la mode. Lors d’un voyage à Strasbourg, l’impératrice Joséphine de Beauharnais avait donné des robes à ses dames, qui les avaient elles-mêmes vendues aux nobles strasbourgeoises et allemandes. Ces dernières portaient ensuite ces vêtements, alors légèrement démodés, lors de bals somptueux.
Le marché.
Entre 1809 et 1811, les hangars du Carreau du Temple sont construits à Paris. 1880 échoppes de fripiers constituent le marché aux vieux linges. Les vêtements sont rachetés à des particuliers ruinés ou au mont-de-piété. Le Carreau est divisé en plusieurs secteurs en fonction des articles que l’on y vend. On trouve ainsi des vêtements en bon état, parfois à peine portés dans le cossu Carré du Palais-Royal. Ceux-ci ont généralement été achetés à des domestiques ayant hérité des vêtements de leurs maîtres. Le Carré de Flore revendait du linge et ceux en quête de petite maroquinerie ou de chaussures raccommodées trouvaient leur bonheur au Carré de la Forêt noire. Enfin, les plus misérables pouvaient s’offrir une limace (chemise) ou encore un décrochez-moi-ça (chapeau de femme) au Carré du Pou Volant !
Les grands magasins.
Nos brocanteurs d’habits seront bientôt délaissés avec l’essor des Grands Magasins sous la Troisième République. La confection permet d’avoir du neuf à moindre coût. A cela s’ajoute l’essor de l’hygiénisme et les découvertes de Pasteur sur les microbes qui donnent le coup fatal à nos marchés aux puces.
Le retour de la fripe.
Depuis quelques années à présent, la fripe a retrouvé ses lettres de noblesse. Elle est le moyen de dénicher des pièces fortes et uniques dans une conception plus responsable de consommation.
Alors n’hésitez plus, aujourd’hui la fripe, c’est CHIC !
M.G
ILLUSTRATIONS DE LA FRIPE DANS LE TEMPS
Comédies de Térence, Paris, atelier du maître de Luçon, v.1410-15, Paris, Bibliothèque Arsenal :
La différenciation de classe sociale est évidente entre le très beau vêtement de la dame aristocratique dont les manches sont taillées de freppes et celui de la servante.
Victor-Jean Nicolle, Vue du marché́ au vieux linge dans l’ancien enclos du Temple à Paris, aquarelle, vers 1810, Rueil-Malmaison.
Albert d’Arnoux dit Bertall, Carré du Palais-Royal dans le Carreau du Temple, estampe, avant 1863, Paris, musée Carnavalet.
Anonyme, Les robes, marché du Temple, photographie, 1900, Paris, Fonds Roger-Viollet : Boutique qui vend des vieilles robes, notamment une robe de mariée avec son voile au premier plan.
Anonyme, A la tête noire, Pavie, marchand fripier, impression sur carton, vers 1820, Paris, musée Carnavalet.
Petit lexique fripier. Source : Philippe PERROT, Les dessus et les dessous de la bourgeoisie.
J’ adore ! Suis archi fan ! Cet article est super intéressant!! Merci!!!
Merci Daniele 👍🏼
Bel article. Bravo.
Merci Jacques